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Ensemble, prenons le cancer de vitesse

Auteur : Dr. Florence Coussy, Gynécologue & oncologue à l'Institut Curie
Date de publication : 30/09/2024
Tags : Santé

À l'occasion d'Octobre Rose, PharmaBest vous invite à en apprendre plus sur le cancer du sein avec le Dr Florence Coussy, gynécologue et oncologue à l’Institut Curie, fondation reconnue d'utilité publique depuis 1921.

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Bonjour Docteur Coussy, pouvez-vous nous dire quel est l’état des lieux du cancer du sein en France ?

Le cancer du sein touche chaque année plus de 61 000 femmes en France. Il est le cancer le plus fréquent et la 1ère cause de mortalité par cancer chez les femmes. Le taux de survie est de 88% à 5 ans, ce qui fait qu’il est globalement considéré comme un cancer de bon pronostic.

L’Institut Curie est le premier centre de prise en charge des cancers du sein en Europe, ce qui représente 7 105 femmes en cours de traitement, et plus de 35 équipes de recherche qui travaillent à sa compréhension et à l’innovation des traitements. La recherche est essentielle dans ce domaine, car elle permet d’apporter l’espoir à toutes les femmes touchées par le cancer du sein. Cliniciens, chercheurs, nos objectifs sont communs : il s’agit d’améliorer le taux de guérison du cancer du sein, de diminuer les effets secondaires des traitements pour améliorer la qualité de vie de femmes ayant un cancer du sein.

Dr Coussy, vous êtes gynécologue et oncologue spécialisée en sénologie et en onco-fertilité, et l’une de vos thématiques de recherche concerne le parcours de soin du cancer du sein chez la femme jeune. Quelles sont les particularités de ce cancer chez ces femmes ?

Le cancer du sein des femmes jeunes, c’est- à-dire de moins de 40 ans, représente 5% des cancers du sein, soit plus de 3 000 nouveaux cas diagnostiqués en 2023.

Les cancers de la femme jeune présentent différentes particularités :

· Ils sont souvent diagnostiqués à un stade plus avancé (taille plus grande et envahissement ganglionnaire plus fréquent). Ceci peut être lié à l’absence de dépistage organisé qui est actuellement proposé et adapté aux femmes de plus de 50 ans, mais également à l’errance diagnostique qui souligne la nécessaire sensibilisation des professionnels et des patientes.

· La proportion de certains sous-types de cancer du sein est sur-représentée chez elles, notamment les cancers du sein dits triple- négatifs (20 à 25% des cancers du sein chez la

femme jeune, contre 10 à 15% dans la population des cancers du sein en général) qui ont comme caractéristiques d’être de plus mauvais pronostic.

· Des altérations génomiques (de type BRCA1, BRCA2…) sont plus fréquemment retrouvées chez les femmes jeunes que chez les femmes plus âgées (10% des cancers du sein de la femme jeune versus 5% pour la population générale).

· Enfin, la femme jeune présente des particularités, liées à son âge, qu’il faut également prendre en compte dans son parcours : le cancer et sa prise en charge peuvent avoir des conséquences sur sa qualité de vie, sa fertilité, sa vie sentimentale, familiale, amicale, sa vie professionnelle…

Quelles vont être les particularités du parcours de soin de la femme jeune atteinte d’un cancer du sein ?

Le parcours de soins comprend bien sûr une prise en charge thérapeutique optimale.

Il est également nécessaire de connaître et d’évaluer les différents besoins de la femme jeune, pour lui offrir une prise en charge adaptée et optimale durant tout son parcours. Dès le début de son parcours, des consultations d’oncofertilité et d’oncogénétique doivent être proposées. Les soins de support (psychologue, assistante sociale, diététicienne...) sont essentiels et doivent être proposés de manière précoce mais également tout au long du parcours de prise en charge. La poursuite du suivi gynécologique est également indispensable.

Qu’en est-il d’un cancer du sein durant une grossesse ?

Le cancer du sein pendant la grossesse est rare, mais il est important qu’il soit pris en charge par des équipes spécialisées. Cette situation nécessite une prise en charge conjointe, optimale et étroite au niveau oncologique et obstétrical.

À l’heure actuelle, il existe des recommandations pour la prise en charge du cancer du sein pendant la grossesse : la chirurgie mammaire et ganglionnaire peut être réalisée de manière adéquate à tout moment de la grossesse, la chimiothérapie peut être proposée mais seulement à partir de la fin du premier trimestre (pour s’éloigner de la période d’organogenèse), la radiothérapie sera évitée durant la grossesse. Il existe un risque de prématurité pour les bébés : c’est pourquoi ces grossesses seront suivies dans des maternités de niveau 3.

Les données concernant les enfants nés de mères qui ont été traitées pour un cancer du sein pendant la grossesse sont rassurantes.

Quelles sont les ambitions de l’Institut Curie pour la recherche et les soins du cancer de la femme jeune ?

Notre ambition dans les prochaines années est de devenir un centre de référence pour la prise en charge des jeunes femmes, et nous souhaitons agir dans 4 directions principales, pour améliorer la qualité de vie et les perspectives des patientes :

D’abord : la construction d’un parcours d’excellence standardisé à l'Institut Curie pour ces patientes. Il comprendra une prise en charge systématisée en oncogénétique, en gynécologie (contraception), et en onco-fertilité. Les soins de supports (onco-sexualité, onco-psy, activité physique, nutrition…) seront proposés et intégrés aux différents moments-clés du parcours (annonce, traitement, surveillance).

Nous souhaitons ensuite co- construire et fédérer une communauté de jeunes patientes via un réseau social afin de permettre l’échange et l’entraide entre femmes.

Du côté des soignants, il est essentiel de partager et transmettre notre expertise à travers la création d’une plateforme d’échange accessible à tous les médecins, les mettant en relation avec des experts nationaux, et ce pour garantir aux patientes, quelle que soit leur localisation sur le territoire national, un égal accès à des soins adaptés et à la meilleure expertise disponible.

Enfin, la création d’un data lab permettra d’apporter de manière agile des réponses robustes sur les problématiques actuelles des femmes jeunes. Il comprendra une plateforme de données numériques, agrégeant des données de vie réelle à grande échelle, issues du Système National des Données de Santé et des hôpitaux.

L'étude de ces données de grands volumes numériques permettra d'aboutir à la prédiction des séquelles, de la toxicité de la prise en charge thérapeutique et de pouvoir actionner des leviers d'amélioration du parcours de soins en utilisant l'intelligence artificielle.

Ce projet est porté par l’Institut des Cancers des Femmes, un Institut Hospitalo-Universitaire porté par l’Institut Curie avec l’Inserm, et l’université Paris Sciences & Lettres. Pour voir le jour, ce grand projet transformationnel s’appuiera sur nos fonds propres mais aussi sur le soutien de la société civile et des donateurs. Un grand merci à eux pour leur soutien.